La neurodiversité France

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Enquête sur le tri des jeunes admis en IME

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Notre association constate une évolution dans la nature des admissions en Institut médico-éducatif (ou IME). Créés à l’origine pour accueillir des jeunes avec handicap intellectuel et haut besoin de soutien, ces établissements ne remplissent plus leur mission d’origine, et accueillent un nombre croissant de jeunes déjà autonomes. 

Des jeunes qui subissent de lourdes pertes de chances, avec seulement 6 heures de scolarisation hebdomadaires en moyenne et un risque d’exposition accru aux violences physiques et sexuelles.

Les « attentes de place »

Il ne s’écoule pas un mois sans que la presse locale publie un témoignage de famille en attente d’une “place” en Institut-médico éducatif (IME) pour un enfant. Ces enfants sont le plus souvent des mineurs à haut besoin de soutien, décrits comme “autistes sévères” comme dans le cas du jeune Abdel Malik, polyhandicapés comme ces sans-solution en Isère, comme la petite Solane et le jeune Azad, 12 ans, ou bien épileptiques sévères, comme le jeune Louis, 11 ans

Les conclusions de ces articles sont toujours les mêmes : il faudrait créer des places en IME, pour permettre à ces jeunes qui ne peuvent être accompagnés par leur famille d’aidants épuisés d’accéder à un encadrement professionnel adapté. 

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La revendication de créations de places en IME est portée par les syndicats qui ont défilé en janvier et février 2024 contre ce qui est nommé à tort « inclusion systématique » des élèves handicapés à l’école ordinaire.

En mettant de côté le fait que l’ONU demande à raison la fermeture et la transformation de ces établissements ségrégatifs et contraires aux droits de l’enfant, il serait tentant de conclure qu’il manque réellement des « places » en IME. Ce n’est pas la conclusion à laquelle notre association parvient après une analyse systémique des faits.

Le nombre de places en IME est relativement stable, voire en légère augmentation sur les trente dernières années (environ 70 000). Le nombre de jeunes dits « en attente de place » a par contre nettement augmenté, comme le confirment différentes sources telles que cette question posée au Sénat en 2023, ou encore la thèse de Valérie Laloum intitulée Orientation des élèves en ULIS école et processus de médicalisation des difficultés d’apprentissage : de l’échec scolaire au handicap

Il n’existe pas d’« inclusion systématique » à l’école, pas plus que de « manque de places en IME ». 

Pourquoi une telle augmentation des demandes de place en IME ? D’après la thèse de Laloum, cela résulte plutôt d’une médicalisation croissante des difficultés d’apprentissage, menant à des exclusions d’élèves de l’école ordinaire.

C’est l’exclusion de l’école qui entraine des orientations IME abusives.

Les chiffres régulièrement cités par le gouvernement à propos d’une augmentation des scolarisations d’élèves handicapés sont à nuancer fortement en raison de la médicalisation du handicap. Avant les années 2000, les troubles dys et le TDAH n’étaient pas reconnus comme des handicaps.

Obligations théoriques et constats lors de nos visites

Mais au fait, à quoi sert un IME ? Cet article du site Autisme Info Services et cet article scientifique, entre autres sources, sont formels : l’enseignement en IME s’adresse à des enfants dits « déficients intellectuels » (pour reprendre la terminologie officielle, que nous n’approuvons pas). 

Parmi nos adhérents, plusieurs visitent de façon régulière des IME, que ce soit pour de la formation, pour des conférences et présentations, ou parce qu’un proche s’y trouve. Nous constatons que les personnes admises en IME sont de plus en plus autonomes au moment de leur admission. De jeunes autistes diagnostiqués sans handicap intellectuel ni retard de langage, c’est-à-dire correspondant à l’ancien diagnostic du syndrome d’Asperger, sont notifiés IME.

Lors de nos visites, nous voyons régulièrement des jeunes capables de se cuisiner le déjeuner seuls ou de faire visiter l’IME comme un professionnel habitué des lieux.

Que font ces jeunes en IME ?

 

Nous constatons en parallèle une évolution dans la nature des élèves admis en classe ULIS, peut-être en résultante de la disparition des classes SEGPAAlors que du temps des CLIS (ancêtre des ULIS, dispositif créé en 1989), il était très fréquent d’y voir des élèves avec trisomie 21 et des élèves autistes, désormais ces deux profils semblent minoritaires par comparaison à ceux des élèves dys. Avant les années 2000, les élèves dys, privés de reconnaissance handicap, se trouvaient vraisemblablement dans des classes dites ordinaires. 

L’association Trisomie 21 France confirme aussi une pression d’exclusion des ULIS et d’orientation IME sur les élèves trisomiques, comme documenté dans cet article.

Indices de changement de nature des jeunes en IME

Il ne s’agit pas de se baser sur notre seule impression. Des traces numériques soutiennent nos observations. 

La maman d’un jeune homme diagnostiqué avec syndrome d’Asperger témoigne en 2018 d’avoir échappé de peu à l’IME d’après cet article ; une autre témoigne en 2016 que son fils, avec ce même diagnostic, a fréquenté un IME pendant trois ans pour cause d’exclusion de l’école ordinaire.

La Fédération Française des Echecs (FFE) soutient un projet visant à faire jouer des enfants autistes au jeu d’échecs. En avril 2023, la FFE a annoncé le faire via un partenariat noué avec 14 IME d’Île-de-France.

Or, l’engouement médiatique autour des bienfaits du jeu d’échec porte exclusivement sur le profil dit « sans trouble du langage ni handicap intellectuel ». Un tel partenariat avec la FFE aurait-il du sens si les IME accueillaient uniquement des jeunes correspondant à leur mission d’origine ?

Jeu d'échecs

Un décalage entre l’agrément des IME et les jeunes accueillis est documenté dans cet article scientifique de B. Marabet, publié en 2016. Les trois-quarts des IME reçoivent des mineurs qui ne correspondent pas à leur agrément.

D’après cet article, en 2016, 20 % des jeunes en IME sont autistes, mais seules 7 % des places sont en agrément autisme ; par ailleurs 10 % des jeunes n’ont pas de « déficience intellectuelle » diagnostiquée (pour reprendre les termes mêmes utilisés dans l’enquête scientifique, termes que nous n’approuvons pas). 

B. Marabet soutient pourtant que « les enfants dits Asperger ou autistes de haut niveau sont intégrés dans le système scolaire ordinaire avec un accompagnement spécifique ». 

La Neurodiversité France demande une enquête

Pourquoi au moins un jeune en IME sur dix ne correspond-il pas au profil d’origine pour lequel ces établissements ont été créés ? Pourquoi au moins un jeune en IME sur dix, en imaginant qu’il ait la « chance » de faire partie de ceux qui en reçoivent une, reçoit une instruction inadaptée à son profil ? C’est d’autant plus révoltant lorsque l’on constate que l’argument-phare mobilisé dans la presse et auprès des politiques pour le maintien du modèle ségrégatif des IME est celui… du « handicap lourd » (nous préférons parler de besoin de soutien).

Nous posons l’hypothèse d’un tri à l’admission en IME, favorisant les jeunes dont les besoins d’accompagnement sont les plus faibles. Les jeunes polyhandicapés et à haut besoin de soutien deviennent les « sans-solution », dont les familles épuisées réclament des « places » à cor et à cri dans la presse locale. Cette hypothèse peut aller de pair avec une exagération dans les évaluations de « troubles du comportement » sur lesquelles sont basées les orientations IME, ce dans une optique d’exclusion scolaire. 

D’un point de vue stratégique, ce choix est 100 % bénéfique aux associations gestionnaires d’IME : moins de charge de travail dans un contexte de tension au recrutement du personnel, et maintien d’un nombre conséquent de demandes de places en IME, permettant de faire pression sur le politique afin d’ouvrir de nouveaux établissements. L’existence d’un grand nombre d’attentes de places permet aussi de tirer les exigences d’instruction scolaire et de qualité d’accompagnement en IME vers le bas. 

Nous demandons une enquête afin de vérifier l’existence d’un renforcement de l’exclusion scolaire par orientation IME abusive. 

Vérifier cette hypothèse est relativement simple : des registres détaillent théoriquement le profil de tous les jeunes admis par IME. L’existence d’IME ayant un agrément autisme et dont l’essentiel des admissions porte sur des jeunes “sans handicap intellectuel ni retard de langage”, devrait être bien visible. 

 

PS : à la suite de nombeux commentaires sur les réseaux sociaux, nous rappelons que notre association ne soutient pas les établissements ségrégatifs dont font partie les IME. Nous appelons la France à suivre les recommandations de l’ONU. Nos publications antérieures démontrent sans ambiguïté notre engagement en la matière. Cet article documente la manière dont les IME servent d’alibi pour justifier l’exclusion scolaire. 

4 réflexions sur “Enquête sur le tri des jeunes admis en IME”

  1. Ma fille de 16 ans est autiste sans déficience intellectuelle avec un gros retard de language et était scolarisée en Ulis jusqu’à ses 15 ans. Elle n’y avait pas sa place car aucun apprentissage scolaire n’était possible du manque de formations des accompagnateurs en ce qui concerne l’autisme. Elle a enfin intégré son IME après 5 ans d’attente et depuis a eu une progression énorme dans ses acquis.

    1. Bonjour. Merci pour votre témoignage. Il s’agit d’une expérience individuelle. Notre article est une analyse systémique. Il existe des preuves que le temps d’enseignement moyen en IME est réduit à six heures.

  2. Bonjour

    On a tendance à voir l inverse; on a de plus en plus de cas complexes dans nos IME et globalement dans nos établissements car l ARS gère de plus en plus de cas complexes qu’il
    nous demandent de prendre en comptes

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