La neurodiversité France

Photo de l'intérieur de l'Assemblée Nationale

Projet de loi contre les dérives sectaires : une avancée mais…

En préambule, la Neurodiversité France souhaite exprimer sa satisfaction de voir ce projet de loi adopté et l’article 4 réécrit, voté. Nous espérons que le Sénat adoptera le texte tel qu’il est actuellement.

C’est un moment important. Durant des décennies, la France ne disposait d’aucun appareil législatif adapté à la lutte contre les dérives sectaires. La période COVID et la mutation des groupes et individualités exerçant une emprise et une manipulation sur autrui a permis une prise de conscience vivement attendue.

Nous aurions apprécié une concorde républicaine

Nous aurions apprécié une concorde républicaine autour de ce projet et nous ne pouvons que déplorer que certains groupes politiques ignorent l’importance de ce texte pour les victimes, les associations et les lanceurs d’alerte ainsi que les professionnels de santé sur ces sujets.

Nous déplorons la faible qualité des débats lors de l’étude du texte en Assemblée. Madame Agresti Roubache ne semblait pas au fait du texte qu’elle devait défendre. Il fallut la compétence de Madame Liso, rapporteure de la commission, pour que les discussions puissent être précises. Nous regrettons également l’impréparation de ceux qui allaient finalement s’opposer au texte.

Une question de cohérence et de probité

Ce texte voté, il oblige. Car il ne s’agit pas seulement de décréter que la MIVILUDES doit exister, que les dérives sectaires doivent êtres combattues, et que des sanctions doivent être appliquées. Il s’agit également que l’État (Fonction publique, exécutif, législatif, judiciaire) et les Pouvoirs Publics dans leur ensemble soient exemplaires. Cette exemplarité s’inscrit dans des évidences et des choses plus subtiles. Un gouvernement ne pourra plus intégrer en son sein une ministre adepte de l’anthroposophie, ou une ministre qui a soutenu le gourou de l’hydroxychloroquine. C’est une question de cohérence et de probité.

 

Les élus qui feront la promotion d’idées dangereuses et seront ainsi l’écho d’influenceurs ou de collectifs qui portent atteinte à la santé psychologique ou physiologique des citoyens devraient dès lors en répondre. On ne peut alerter au sein d’un projet de loi sur les dangers de ces influenceurs et en même temps, élu de la nation, en faire la promotion.

Les institutions publiques ne pourront plus accueillir des pseudos sciences et des diffuseurs de fake news et fake meds. Ne nous trompons pas, il s’agit avant tout d’un combat pour l’importance de la rigueur intellectuelle, de la preuve scientifique, pour la défense d’un esprit critique qui analyse la validité de faits ou d’énoncés, de théories.

Promouvoir l'esprit critique

Lutter contre les dérives sectaires sans accompagner ce combat par la volonté de promouvoir l’esprit critique, l’analyse objective de faits, la nécessité de démontrer, de prouver ce que l’on affirme, ne servirait pas à grand-chose.

Si l’on agit selon ces deux principes, alors il devient impossible que des organismes publics fassent la promotion de disciplines ou d’idées au contenu fallacieux. On ne peut lutter contre les scientologues et accepter des cours de psychanalyse en licence dans les universités. On ne peut lutter contre l’anthroposophie et accepter la biodynamie dans les projets de transition écologique. On ne peut lutter pour une meilleure éducation et propager des fake news sur les écrans pour défendre une posture idéologique qui n’aide en rien. On ne peut lutter contre les Raoult et autres Trotta et mentir sur les masques. On ne peut lutter contre les antivax et laisser des élus médiatiser des figures du complotisme. On ne peut lutter contre les dérives sectaires et laisser des pratiques farfelues pulluler dans la formation en entreprise et dans les écoles.

Ce qui a permis le développement des réseaux sectaires fut l’ambiguïté des pouvoirs publics sur la rigueur qui devait les animer. C’est un principe moral, un enjeu décisif si l’on veut que ces combats soient victorieux. Sinon ce ne sont que des vœux pieux.

Un précédent dans la Neurodiversité : les enfants indigos

Parmi les dérives sectaires les plus tristement connues des familles neurodivergentes, on trouve la croyance aux prétendus enfants indigos, cristal et « arc-en-ciel ». Ce fatras ufologique et ésotérique repose sur une mystification qui vise tout particulièrement les parents d’enfants TDAH, autistes et dys. La MIVILUDES a alerté dès 2003 sur l’existence du mouvement « Kryeon », qui prétend prendre en charge des enfants neurodivergents via un discours affirmant une supériorité de ces enfants, appelés à remplir une mission céleste qui les placerait au-dessus des autres : https://www.nouvelobs.com/societe/20040126.OBS3166/la-miviludes-alerte-sur-les-enfants-indigo.html. Ce mouvement est extrêmement critique de la médecine et de la psychiatrie, et mène le plus souvent à un isolement complet des enfants, parfois avec déscolarisation. Les parents sont soumis aux dogmes et interprétations occultes des adeptes de Kryeon, qui prétendent être les seuls capables de comprendre et d’aider leurs enfants.

La MIVILUDES signale 30 saisines liées aux « enfants indigo » entre 2018 et 2020, et cite dans son rapport de juillet 2021 des « ruptures familiales très avancées ». Malheureusement, en 2022, un célèbre magazine féminin effectuait encore la promotion de ces idées.

D’autres dérives sectaires peuvent cibler les enfants neurodivergents. Les écoles Steiner prétendent que l’autisme a des causes « karmiques » : https://www.slate.fr/story/196546/pedagogie-steiner-anthroposophie-dangereuse-enfants-autisme-mouvement-camphill .

Des croyances dogmatiques et autres hypothèses non-vérifiées de la psychanalyse continuent aussi de causer du tort aux personnes neurodivergentes, entre le dogme de l’universalité du complexe d’Œdipe, le discours de Frances Tustin sexualisant des enfants à partir de 3 ans : https://laneurodiversite-france.fr/heritage-frances-tustin/ , et les propos de Charles Melman comparant les personnes autistes à des « golems » : https://laneurodiversite-france.fr/charles-melman-autisme-psychanalyse/

Une première ébauche intéressante

Pour la Neurodiversité France, le projet de loi qui a été voté est une première ébauche intéressante mais il ne sera efficace qu’à la condition d’une réflexion globale sur les dérives sectaires et les fausses informations.

Crédit photo David Henry

 

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