La neurodiversité France

Très jeunes enfants devant des écrans d'ordinateur

Anthroposophie et technophobie s’invitent dans le rapport public sur les écrans dans l’enfance

Anthroposophie et technophobie s'invitent dans le rapport public sur les écrans dans l'enfance

Facebook
Twitter
LinkedIn
Un rapport d’experts consacré aux usages des « écrans » dans l’enfance a été remis au gouvernement mardi 30 avril dernier, à la suite d’une demande de l’exécutif. Sous le titre proustien d’Enfants et écrans : à la recherche du temps perdu, il contient certaines bonnes idées, mais constitue aussi un tapis déroulé à l’anthroposophie et au collectif technophobe CoSe.

Comme le précise L’Express, le-dit rapport est décrit comme « basé sur la science ». Si les deux présidents du comité qui en est à l’origine sont respectivement Servane Mouton (neurologue) et Amine Benyamina (professeur de psychiatrie), sa porosité aux avis pseudoscientifiques et alarmistes détonne. Sur une dizaine d’experts à l’origine de cette rédaction collective, on note aussi l’absence de docteurs en sciences de l’information et de la communication spécialisés en usage des outils numériques. Les écoles Steiner-Waldorf et le collectif technophobe « CoSe » s’invitent en revanche parmi les contributions écrites.

Interrogé par L’Express, Amine Benyamina a reconnu « quelques loupés », justifiés par un délai de rédaction très court. 
 

La notion d'écran n'est pas correctement définie

Dans ce rapport, qui débute par un préambule puis une synthèse, la confusion règne pour définir la notion d’ « écran ». Alors que la littérature scientifique précise bien qu’un téléphone portable n’est pas égal à une télévision qui elle-même n’est pas égale à un écran publicitaire à LED (ni en ce qui concerne les usages, ni en termes de technologie utilisée, ni pour la durée d’exposition), le rapport les amalgame très régulièrement dans un concept étendu et flou d’ « écrans ». Rien d’étonnant, puisque les définitions et études d’usages des outils numériques font partie de la discipline des sciences de l’information et de la communication (infocom), non-représentée parmi les dix experts du comité.
 
Très jeunes enfants devant des écrans d'ordinateur
Ce manque de précision induit d’inévitables confusions dans les sections relatives aux méfaits des « écrans » sur la santé des enfants. 

Pour ne garder que les chapitres au sujet des troubles du sommeil et de la myopie (qui conclut à une responsabilité des écrans dans « l’épidémie de myopie », en chargeant régulièrement la lumière bleue), il aurait été nécessaire de préciser que la responsabilité de la lumière bleue n’est pas certaine, en parallèle de l’avis tranché du comité sur l’inefficacité des technologies de réduction de l’émission de lumière bleue. 
 
Bon point en revanche, le rapport prend en compte la présence d’écrans publicitaires sur les espaces publics, ce qui constitue une avancée au regard de leur invisibilisation dans les discours politiques. La Neurodiversité France avait souligné ce problème.
 

Les écoles Steiner-Waldorf invitées à contribuer

Dans la section relative aux contributions écrite reçues par la commission, il est fait mention des écoles Steiner-Waldorf, appartenant à la société anthroposophique, connues pour leur discours technophobe dépourvu d’assise scientifique. La justification avancée serait qu’ils interviennent depuis longtemps au sujet des liens entre enfance et technologies.
 
Cette commission nationale, supposée se baser sur les avis de la société civile, inclut donc dans son rapport une organisation suspectée de dérive sectaire et faisant l’objet de plusieurs saisines à la Miviludes. De ce fait, l’intégration de la fédération des écoles Steiner-Waldorf au sein de cette commission constitue une porte d’entrée pour la société anthroposophique dans les décisions gouvernementales. Il est nécessaire de rappeler que la défiance des anthroposophes vis à vis des écrans trouve son origine dans la croyance au démon « Ahriman » (démon de la technologie). Au regard de tels éléments, cette commission s’appuie non seulement sur des pseudosciences, mais également sur une doctrine religieuse problématique et potentiellement dangereuse. 
Rudolf Steiner à l'école

Rappelons que presque 35 % des enseignants Steiner-Waldorf exercent sans les autorisations nécessaires. Sur les quarante enseignants de l’établissement, 14 n’ont pas les autorisations requises pour enseigner. Plus préoccupant encore, certains d’entre eux ont reçu des avis défavorables de la préfecture du Haut-Rhin il y a plusieurs années, mais continuent néanmoins d’enseigner alors que l’école en est informée.

Une bonne (dose de) CoSe ?

Le Collectif Surexposition écrans (CoSe), épinglé pour des discours alarmistes et parfois pseudo-scientifiques, a été auditionné via la contribution de deux de ses membres, le Dr Anne-Lise Ducanda et Sabine Duflo.
 
Anne-Lise Ducanda, médecin généraliste, est bien connue pour le rôle qu’elle a joué dans la diffusion d’une croyance selon laquelle l’usage d’outils numériques rendrait autiste (autisme virtuel). Cela relève d’une stratégie dite de fear mongering (culture de la peur), comme l’ont démontré Stéphanie de Vanssay dans son article publié par Les dossiers de l’écran en 2020, intitulé « L’autisme virtuel » provoqué par la surexposition aux écrans : une panique morale ?, et le journaliste scientifique Jean-Yves Nau. Celui-ci, dans un article publié par la Revue médicale suisse, souligne « des chiffres effrayants [qui] sont avancés : un enfant sur vingt, dans chaque classe d’âge, dans une ville donnée. Des chiffres cinq fois supérieurs aux statistiques communément citées sur la prévalence des troubles du spectre autistique ! Enfin, affirmation tout aussi fantaisiste, il nous est assuré que la suppression des écrans conduit dans la majorité des cas à la disparition des symptômes en un mois ».
 

Sur la base très des avis des deux membres du CoSe auditionnées, le rapport assène que l’usage des « écrans » peut aggraver l’autisme et le TDA/H des personnes qui en « souffrent ». Une affirmation qui ne repose sur aucune preuve, comme le souligne le Dr Catherine Barthélémy dans l’article de L’Express. 

En revanche, il existe des preuves que les enfants autistes préfèrent communiquer via des technologie numériques afin d’éviter les difficultés liées aux interactions en face à face, et que ces mêmes technologies numériques leur permettent d’exprimer leur point de vue : 
  1. https://www.emerald.com/insight/content/doi/10.1108/17549450200900015/full/html
  2. https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/14649360802382586
  3. https://meridian.allenpress.com/idd/article-abstract/52/6/456/1872/Intersections-Between-the-Autism-Spectrum-and-the
  Aucune étude de ce type n’est citée dans le rapport.
 

Faire respecter les droits des neurodivergents

En pointant des effets néfastes  d’ « écrans » sur les enfants autistes et TDA/H sans distinguer les usages et les outils, ce rapport relève d’une énième tentative de créer une enclave de droits réduits pour les neurodivergents, par comparaison aux enfants de la population générale. 
 
L’urgence est pourtant de faire respecter les droits humains fondamentaux des enfants ayant des troubles du neurodéveloppement (accès à l’instruction, accès à l’emploi, accès aux soins), trop souvent bafoués. Pas de leur en retirer. La France est condamnée pour non-respect des droits humains fondamentaux des enfants handicapés, autistes en particulier. La dernière condamnation du Conseil de l’Europe remonte à seulement un an.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *