La neurodiversité France

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En début de mois, l’enseignante célèbre sur les réseaux sociaux pour sa chaîne « kiffer l’école » apparaissait sur une vidéo pour exprimer sa souffrance dans le cadre de son activité professionnelle. Une souffrance qui serait majoritairement causée par l’inclusion. Les enfants en situation de handicap seraient difficiles à contrôler et violents. Le manque de formation ainsi que les conditions de travail poseraient des problématiques insurmontables. Ces enfants n’auraient donc pas leur place à l’école. L’enseignante exprime une #AlerteInclusion.

Une vidéo qui fait le buzz

Cette vidéo a fait le buzz, c’était aussi son but. Elle donna lieu à un débat âpre et conflictuel entre des enseignants pleins d’empathie pour cette professeure mais condamnatoires vis à vis des enfants concernés et de leurs familles, et les militants antivalidistes qui considéraient que cette vidéo mettait de l’huile sur le feu. Le contenu de la vidéo provoque le rejet des enfants handicapés, un rejet qu’une souffrance professionnelle ne pouvait justifier quand bien même elle devait être considérée.

La Neurodiversité France essuya aussi beaucoup de propos diffamatoires de la part des professeurs présents sur les réseaux sociaux. Nous sommes choqués que des personnes responsables de la transmission des savoirs à l’égard d’enfants puissent exprimer des propos si violents et irrespectueux, alors que beaucoup de professeurs souhaitaient un vrai dialogue.

Cette vidéo apparaît alors qu’une manifestation d’un syndicat d’enseignants provoqua beaucoup d’indignation, légitime, puisque son unique revendication reposait sur l’exclusion d’enfants handicapés de l’école pour les placer en Instituts médico-éducatifs (IME), scellant ainsi la fin d’une possible vie ordinaire et d’un enseignement comme moteur d’inclusion sociale.

Kiffer l’école mais au détriment de certains enfants

La souffrance professionnelle peut expliquer un excès dans les propos exprimés, mais ne permet pas de les excuser. Il est difficile de comprendre que ces propos soient aussi publiés cinq ans auparavant sur le blog de l’enseignante ainsi que dans son livre, une période où il n’était nullement question de souffrance dans ses vidéos.

L’article de blog a été découvert par Laurent Savard. Sitôt la polémique née, l’autrice supprima cet article de son blog. C’est un peu facile, une vidéo tourne abusivement sur les réseaux sociaux, en nourrissant un validisme qui alimente un rejet d’enfants au seul prétexte de leur condition. Il est donc naturel que cet article de blog mette en contexte la vidéo et prouve, par son contenu, que c’est une pensée construite et non une réaction et un ras-le-bol spontanés.

Extrait d'article
Suite extrait d'article

Ces enfants ont en commun de ne pas regarder dans les yeux

Alors bien sûr, il n’est jamais question de dire qu’ils ont un handicap. Mais bon, ces enfants ont en commun de ne pas regarder dans les yeux. Si ce n’est pas une catégorie d’enfants qui pose souci à cette enseignante et que ce sont les enfants en général, c’est quand même le principe d’une école que d’accueillir des enfants et la mission d’un professeur, certes difficile, que de leur apprendre des choses et pas uniquement des savoirs fondamentaux. Si les enfants étaient déjà autonomes en maternelle, ces classes n’auraient pas une grande utilité.

On voit donc qu’il y a cinq ans, le discours était le même. Pendant ces cinq années, il y a eu beaucoup de vidéos pourtant où la maîtresse « kiffait l’école ».

« Le mercato des élèves »

Ce n’est pas le seul article qui pose problème.

Ici, dans un article intitulé « le mercato des élèves » l’enseignante déclare avoir des tactiques pour garder les élèves qu’elle aime bien, et ne pas avoir à accueillir les autres :

Texte sur "le mercato des élèves"

Nous pouvons noter comment les élèves sont qualifiés, et à quel point ils sont respectés.

Cela fait d’ailleurs écho avec un passage de son livre où le même validisme rejaillit :

Extrait du livre

Malheureusement, même en changeant les prénoms, il y a de forts risques que les enfants ou leurs familles parviennent à reconnaître des situations et vivre une seconde humiliation.

Les passages qui mentionnent de la maltraitance ne concernent pas les enfants. C’est elle-même, uniquement, qui considère être maltraitée.

Être professeur est un métier, mais c’est également une vocation

Être professeur est un métier, mais c’est également une vocation. Si les conditions sont difficiles et que les problématiques sont nombreuses, ce ne sont pas les enfants qui doivent être cités dans ces articles mais toutes les causes qui font que l’Éducation Nationale ne fonctionne pas. La responsabilité ne provient pas des élèves qui ne décident de rien, mais de l’État qui ne respecte pas ses engagements.

On se dira qu’une professeure qui ne cesse de penser à la démission pendant cinq ans, du moins d’en parler, qui a eu le temps d’y réfléchir, d’analyser, de faire des vidéos pédagogiques, de se faire connaître sur les réseaux sociaux, aurait pu mieux considérer la question de l’inclusion avec sérieux et un minimum de rigueur, plutôt que de tomber sur des clichés discriminants en jetant en pâture des enfants qui n’avaient pas demandé autant de mépris.

Les enfants ont l’obligation de recevoir une instruction, les professeurs n’ont pas l’obligation de devenir professeur.

Lorsque l’on constate les propos de cette enseignante, la diffusion massive de sa vidéo, les messages indignes sur les réseaux sociaux motivés par la seule souffrance des enseignants, que cette violence est cautionnée par leurs propres difficultés, nous pouvons en conclure que selon leurs principes moraux, nous aurions pleinement le droit de faire beaucoup de choses. Ce serait alors un cercle vicieux qui ne servirait personne.

Si le validisme est présent à l’école, il demeurera omniprésent dans la société.

L’on peut ainsi se demander si les règles déontologiques permettent l’expression de ce genre de propos par une enseignante qui représente la fonction publique et l’État.

L’on peut également se demander si seuls les moyens manquent pour une école inclusive. Il semble que la formation, et des mentalités autrement plus respectueuses soient nécessaires.

Si le validisme est présent à l’école, il demeurera omniprésent dans la société.

Crédit photo d’en-tête : Mikhail Nilov