Dès que nous avons eu connaissance de la Cohorte Marianne, ce projet de recherche financé par 6 millions d’euros du plan d’investissement Avenir, nous nous y sommes opposés.
La Cohorte Marianne est non seulement sans éthique (car elle autorise le ré-usage de prélèvements biologiques de très jeunes enfants, même à des fins de dépistage prénatal), mais aussi inutilement coûteuse, dans un contexte où les investissements d’argent public font défaut pour permettre l’éducation et l’inclusion des enfants autistes, dys et TDAH à l’école.
Une recension de littérature scientifique récemment parue va dans ce sens. Il n’existe à ce jour aucune preuve d’un lien entre l’exposition aux perturbateurs endocriniens et l’autisme. Il est improbable que la Cohorte Marianne « prouve » un tel lien, dans un contexte où 27 études observationnelles précédentes n’en ont trouvé aucun.
Une recension aux conclusions très claires
Cette recension de littérature scientifique est parue le 9 juin 2023, dans la très sérieuse revue scientifique Frontiers in Endocrinology, publiée en accès libre. Autrement dit, cela permet à toute personne qui le souhaite de lire cette étude, de connaitre sa méthodologie et ses conclusions gratuitement. L’étude est en libre accès ici :
https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fendo.2023.1184546/full
Aucune des études analysées ne démontre de lien entre perturbateurs endocriniens et autisme. La conclusion appelle ensuite à la prudence, dans le sens où ces études ont des limites qui empêchent de conclure définitivement à l’absence de lien :
Findings from the epidemiological studies evaluated here do not support an association between prenatal exposure to ECDs and the likelihood of autistic traits in later in life. These findings should not be interpreted as definitive evidence of the absence of neurodevelopment effects of EDCs affecting ASD risk, given the limitations of current studies such as representative exposure assessment, small sample sizes, inadequacy to assess sexually dimorphic effects, or the effects of EDC mixtures. Future studies should carefully address these limitations.
En français :
« Les résultats des études épidémiologiques évaluées ici ne confirment pas l’existence d’un lien entre l’exposition prénatale aux perturbateurs endocriniens et la probabilité de présenter des traits autistiques plus tard dans la vie. Ces résultats ne doivent pas être interprétés comme des preuves définitives de l’absence d’effets des perturbateurs endocriniens sur le développement neurologique et sur le risque de TSA, étant donné les limites des études actuelles, telles que l’évaluation représentative de l’exposition, la petite taille des échantillons, l’insuffisance de l’évaluation des effets sexuellement dimorphiques ou des effets des mélanges de perturbateurs endocriniens. Les études futures devront tenir compte de ces limites. »
Qui assumera le gaspillage de 6 millions d'euros ?
Nous autres personnes autistes, dys et TDAH, croisons régulièrement des personnes qui rejettent catégoriquement l’explication génétique et héréditaires de nos conditions, pour leur préférer la seule explication par la contamination extérieure.
Une somme d’argent public considérable a déjà été gaspillée à travers le monde, pour tenter de « démontrer » que l’autisme serait causé par les vaccins. Il a fallu en arriver à des analyses portant sur plusieurs millions de dossiers médicaux pour qu’enfin, le consensus scientifique soit sans appel.
Désormais, ces mêmes gaspillages financiers se poursuivent, pour tenter de « démontrer » que nous serions contaminés aux pesticides ou par d’autres polluants, et pour tenter de prouver que nos conditions seraient donc éliminables avant notre naissance. Alors que l’argent afflue pour financer des recherches telles que la Cohorte Marianne, dans notre travail associatif, nous croisons toutes les semaines des enfants neurodivergents exclus de l’éducation ordinaire et / ou d’activités sportives et de loisirs, faute de moyens financiers pour leur accompagnement, et de volonté pour les accueillir. Il ne fait aucun doute qu’à la rentrée prochaine, des enfants autistes seront une nouvelle fois privés d’accompagnement scolaire, car certains établissements scolaires n’ont pas les moyens de payer correctement des AESH en nombre suffisant. Le même délitement s’observe pour l’accès des enfants autistes aux soins médicaux courants, tels que chez le dentiste.
Il est grand temps de dépasser l’indignation que représente la cohorte Marianne ; désormais, le temps est à l’action, afin de confronter les responsables de ce gaspillage financier à leurs responsabilités.