Cohorte Marianne. Derrière ce nom qui fleure la fierté d’un pays, se cache l’infamie. Une infamie permise par la haute fonctionnaire Claire Compagnon, qui considère depuis longtemps l’autisme comme une maladie grave.
Claire Compagnon, en collaboration avec Amaria Baghdali de l’Université de Montpellier, préfère investir six millions d’euros pour tenter de « démontrer » que les enfants autistes seraient contaminés par la pollution, plutôt que d’investir dans leur éducation et leur scolarisation.
Pire, les règles éthiques de la cohorte Marianne autorisent le prélèvement d’échantillons biologiques sur de très jeunes enfants, ainsi que leur ré-usage dans n’importe quelle étude ultérieure.
La Cohorte Marianne, c’est quoi ?
La cohorte Marianne repose sur un postulat minoritaire en termes de recherche des causes de l’autisme, pour ne pas dire une croyance. Une hypothèse délirante très proche (l’autisme serait causé par des infections) a été soutenue par Luc Montagnier, ce qui avait d’ailleurs mené à l’affaire Chronimed, des prescriptions sauvages d’antibiotiques.
Cette hypothèse, c’est de soutenir que les facteurs génétiques seraient moins importants dans la « survenue » de l’autisme que les facteurs environnementaux, tels que la pollution et l’alimentation : https://cohorte-marianne.org/cohorte-marianne/presentation-de-la-cohorte-marianne/ . La présentation officielle de la Cohorte Marianne attribue l’ « augmentation » des diagnostics de TND à la pollution et la contamination aux pesticides, plutôt qu’à un meilleur diagnostic, ou bien à une recherche de normalisation à outrance des comportements chez des enfants de plus en plus jeunes (de plus en plus d’enfants considérés comme s’écartant d’une norme arbitraire).
Il s’agit là aussi d’un simple point de vue, qui ne constitue en rien un consensus scientifique. Franck Ramus, pour ne citer que lui, n’attribue pas l’augmentation des diagnostics à des facteurs environnementaux : https://www.afis.org/Y-a-t-il-une-epidemie-d-autisme. Il est amplement démontré que les facteurs génétiques sont la première des « causes » de l’autisme. Entre autres sources, nous pouvons citer le très récent livre du généticien Thomas Bourgeron récemment paru, intitulé Des gènes, des synapses, des autismes.
Le site officiel de la Cohorte Marianne en offre une présentation idyllique : https://cohorte-marianne.org/cohorte-marianne/objectifs-et-retombees-attendues/ , en promettant un suivi pour aider les enfants à atteindre leur « plein potentiel », et une « meilleure inclusion et participation sociale ». En quoi une recherche de polluants chez des enfants autistes permettrait-elle une meilleure « inclusion et participation sociale » ? Si tel était réellement le but, ne vaudrait-il pas mieux financer une étude statistique sur les facteurs de rejet des enfants autistes par l’école de la République ? Ou bien, lancer un grand testing national des discriminations des personnes autistes à l’embauche ? Autant d’initiatives qui sont à ce jour soutenues par le tissu associatif, et non par l’Etat !
Nous l’affirmons : la cohorte Marianne vise moins une « meilleure inclusion » que la réduction du nombre de naissances de personnes autistes. Affirmer que l’étude Cohorte Marianne débouchera sur du dépistage prénatal peut paraître audacieux.
Et pourtant !
Claire Compagnon tient un discours public très différent de ce qu’annonce le site web officiel de cette étude cohorte : la Cohorte Marianne doit permettre selon elle la « prévention » et les « thérapeutiques » des TND.
Cette attention portée sur la contamination des bébés par les pesticides est d’autant plus ridicule que leurs dégâts sur des travailleurs français qui en manipulent tous les jours sont bien connus, sans qu’aucune action publique n’aie encore vu le jour. En région Bretagne, les personnes forcées de manipuler des pesticides au quotidien se battent pour que leurs cancers développés à cause de cette dangereuse activité soient reconnus en tant que maladies professionnelles : https://www.ouest-france.fr/bretagne/vannes-56000/victimes-de-cancers-des-agriculteurs-reclament-que-leur-maladie-soit-reconnue-comme-professionnelle-0fc9f00a-74aa-11ed-b4b8-b174713e5917
Pourquoi, dans ce cas précis, les dégâts causés par les pesticides ne sont-ils pas reconnus au niveau de l’Etat ? Il est pourtant bien plus urgent de protéger ces travailleurs directement exposés à une contamination qui pourrait leur être évitée, que de rechercher d’éventuelles traces de pesticides chez des enfants dits « à risque » d’autisme !
Pourquoi ?
La Cohorte Marianne autorise le prélèvement d’échantillons biologiques, cheveux et urines, de très jeunes enfants. Nous sommes préoccupés par le fait que ces échantillons puissent être analysés dans le but de concevoir un dépistage prénatal. Tout dans les règles éthiques et la communication publique montre qu’il s’agit d’un objectif visé et soutenu par la délégation interministérielle à l’autisme.
La Neurodiversité France mettra tout en œuvre pour mettre un terme aux collectes de données prénatales et aux autorisations de ré-usage des prélèvements biologiques de la Cohorte Marianne, en raison du danger eugéniste que ces collectes font peser.
Pour le cas où nous échouerions, nous souhaitons écrire cette lettre au nom des enfants autistes enrôlés dans cette étude cohorte :
A toi, enfant autiste trahi par la France
Toi qui seras trimballé à l’hôpital, à qui l’on prélèvera ici des cheveux, là des urines, sans jamais t’avoir demandé ton consentement, sans que tu ne saches ni ne comprenne pourquoi : tu étais si jeune à ce moment-là ! A toi, enfant autiste, qui entendra peut-être de la part de chercheurs, voire de tes propres parents, que tu serais déficient à cause d’une contamination survenue avant ta naissance, que tu ne serais rien de plus qu’un dépôt pour déchets toxiques.
Nous comprenons que tu vivras la plus profonde des trahisons dans ta chair, quand tu apprendras pourquoi tu as subi cela. Quand tu apprendras que tes cheveux et tes urines pourront être réutilisés par n’importe quel projet de recherche en « troubles du neuro-développement », même ceux qui ont pour but d’éliminer les enfants comme toi avant leur naissance.
Cher enfant, comme nous tous, tu vis peut-être ce qu’on appelle les « troubles du neuro-développement » au quotidien. Tu sais que ta souffrance ne provient pas directement de qui tu es ni de ce que tu es, mais de la manière dont les autres te traitent parce que tu es différent. C’est le rejet, c’est la haine qui fait souffrir. Pas l’autisme.
Tu as participé à une étude mensongère, une étude qui n’a aucunement pour but de permettre à la France de mieux t’accueillir et t’accepter comme tu l’es. Une étude qui, en vérité, te transmet le message suivant : « tu es pollué, la société française ne veut pas de toi. Disparais, débarrasses-nous de ton autisme, tu es un fardeau ».
Peut-être qu’à ce moment-là, tu haïras tes parents d’avoir consenti à cela. Mais tes parents n’avaient peut-être pas lu ces petites lignes descriptives, bien cachées dans la section « éthique et confidentialité » de la Cohorte Marianne. Celles-ci :
- https://cohorte-marianne.org/cohorte-marianne/ethique-et-confidentialite/
- « L’ensemble des données et/ou échantillons collectés pourront être réutilisés dans le cadre d’autres projets de recherche liés aux troubles du neuro-développement »
L’exemple de la trisomie 21
L’investissement public dans le dépistage prénatal n’est pas compatible avec celui dans l’inclusion sociale. Peut-être que le meilleur exemple comparatif à donner est celui de la trisomie 21. Tandis que le nombre de naissances de bébés trisomiques diminuait, les programmes de recherche visant à aider les jeunes trisomiques à mieux vivre et à être mieux inclus disparaissaient, de moins en moins de personnes demandant à ce qu’ils existent. Les compétences, les connaissances relatives au fait de côtoyer des personnes trisomiques ont disparues elles aussi, en même temps que ces personnes disparaissaient du fait de la réduction de leurs naissances. L’existence même du dépistage prénatal a exposé les mères d’enfants trisomiques à une pression de la part de médecins pour avorter, entérinant que le fait de « garder » un enfant handicapé ne serait « pas normal » : https://www.cairn.info/revue-champ-psy-2015-2-page-53.htm. L’eugénisme s’est installé durablement parmi les modes de pensée.
Aujourd’hui, 96 % des personnes trisomiques détectées avant la naissance ne naissent plus. Les rares qui naissent encore demandent très souvent à leurs parents pourquoi il n’existe pas d’autres personnes comme elles parmi leur entourage.
Un précédent dans l’autisme : le projet Spectrum10K
En août 2021, un projet de collecte de génome d’adultes autistes nommé Spectrum 10k a été lancé au Royaume-Uni. Les activistes de la neurodiversité sont parvenus à le mettre à l’arrêt en refusant massivement d’y participer, à cause de l’opacité sur sa finalité. En effet, rien dans les informations relatives à Spectrum 10K ne précisait si les informations génétiques collectées pourraient permettre une contribution au dépistage prénatal, ou pas. Une opacité que l’on retrouve très exactement dans le projet de Cohorte Marianne, avec deux différences de taille :
- les adultes autistes sont libres de refuser de participer à une collecte de leur génome, car ce sont eux qui offrent ou non leur consentement, alors que les jeunes enfants de la cohorte Marianne ne pourront pas s’opposer aux prélèvements biologiques, puisque leurs parents y consentent à leur place.
- Les prélèvements biologiques effectués dans le cadre de la Cohorte Marianne peuvent être réutilisés pour n’importe quel projet de recherche en troubles du neuro-développement, sans restriction, sauf en cas d’opposition des parents.
Le site officiel de la Cohorte Marianne ne fournit aucune garantie que les données prénatales collectées ne puissent être ré-utilisées pour alimenter des méthodes et des modèles de dépistage prénatal. Il faut considérer par défaut que ce type de ré-usage est pleinement autorisé.
Le dépistage prénatal « de l’autisme » existe déjà de fait en France, par exemple à l’hôpital américain de Neuilly. Il repose sur des calculs de probabilité (cf : https://www.lemonde.fr/sciences/article/2018/09/25/les-mutations-du-depistage-prenatal_5359706_1650684.html ). Les données de la cohorte Marianne pourraient servir à affiner ces calculs de probabilité : là aussi, rien ne s’y oppose.
Ces 6 millions d’Euros d’argent public sont nécessaires dans l’éducatif et la formation
Enfin, rappelons que la Cohorte Marianne est financée à hauteur de 6 millions d’euros par le plan d’investissement Avenir.
Le plan d’investissement Avenir, c’est quoi ? D’après le site officiel (https://www.gouvernement.fr/le-programme-d-investissements-d-avenir), il s’agit d’« investissements innovants et prometteurs sur le territoire, afin de permettre à la France d’augmenter son potentiel de croissance et d’emplois ». Voilà un autre message de rejet adressé aux personnes autistes de nationalité française : il serait plus « innovant » et « prometteur » d’investir dans une très hypothétique guérison (laquelle est, on le sait, impossible) via leur dépollution, plutôt que d’investir pour leur scolarisation et leur formation.
L’État français préfère donc nous présenter comme des individus pollués et nous supprimer en tant qu’autistes, plutôt que nous permettre d’être scolarisés et de tenir des emplois tels que nous sommes.
Claire Compagnon a été alertée à de multiples reprises sur le taux de suicide des adolescents et jeunes adultes autistes.
Enfin, nous rappelons (preuves d’envois de courriels à l’appui) que Claire Compagnon a été avertie que les taux de suicides des adolescents et jeunes adultes autistes est déjà beaucoup plus élevé que celui de la population générale.
Une recension systématique (plus haut niveau de preuve scientifique disponible) est récemment parue, confirmant que plus d’une personne autiste sur trois dite « sans déficience intellectuelle » a des pensées suicidaires, et qu’une sur cinq fait une tentative : https://molecularautism.biomedcentral.com/articles/10.1186/s13229-023-00544-7 . Cette étude conclut aussi « des lacunes importantes de la littérature sur les raisons pour lesquelles les personnes autistes sont plus exposées au risque suicidaire [ …] les personnes autistes sont plus susceptibles que les personnes non autistes de déclarer être perçues comme des fardeaux [pour leur entourage] ».
Il n’y a aucun doute que la communication anxiogène utilisée par la délégation interministérielle autour de l’augmentation des taux d’autisme génère des idées suicidaires chez nos pair autistes. Nombre d’articles de presse parus ces derniers jours comparent les personnes autistes à des catastrophes naturelles : https://www.lesechos.fr/idees-debats/sciences-prospective/une-vaste-etude-pour-expliquer-la-crue-de-lautisme-1933024 et à des épidémies.
La France s’illustre là encore par sa quasi-absence de prise en compte de cette violence et de ces rejets. Claire Compagnon n’a proposé aucune mesure concrète ni aucune recherche permettant de réduire ce taux de suicide, se contentant de conseiller d’appeler la plate-forme Autisme Info Services. Une simple plate-forme d’appel, qui ne permettra en rien de résoudre les causes structurelles des exclusions sociales.
Nous alertons donc la délégation interministérielle à l’autisme et aux troubles du neurodéveloppement sur le risque élevé de suicide des adolescents et jeunes adultes autistes qui apprendront la réutilisation de prélèvements biologiques dans des projets de recherche de dépistage prénatal. Un risque de suicide dont les décideurs de la Cohorte Marianne seront à 100 % responsables.
La Neurodiversité France soutient sans conditions ces enfants risquant d’être « prélevés » sans leur consentement, et dénoncera sans relâche les décideurs de la Cohorte Marianne !
Chaque semaine, nous recevons des témoignages de jeunes ou d’adultes autistes victimes d’exclusions insupportables. La délégation interministérielle a également brillé par son silence au moment du meurtre auticide d’un enfant de 11 ans à Marseille.
« – Le droit de vous opposer à une réutilisation secondaire de vos données et échantillons biologiques pour mener des recherches, études et évaluations dans le domaine de la santé qui présentent un intérêt public dans le cadre des thématiques scientifiques portées par l’étude MARIANNE ; »
https://cohorte-marianne.org/cohorte-marianne/ethique-et-confidentialite/
Toute l’ambiguïté est dans le terme « secondaire ». Ce n’est pas précisé. Par contre il est précisé cela juste après et c’est en soi inquiétant :
« Le droit de retirer, à tout moment, votre consentement à la collecte de vos données. Sachez toutefois que les données utiles recueillies préalablement à l’exercice de votre droit d’opposition ou au retrait de votre consentement pourront continuer à être traitées de façon confidentielle pour ne pas compromettre la réalisation des objectifs de la recherche. »
Je vous invite donc à davantage de prudence Monsieur Vinçot.
Un « droit » accordé aux parents, et non aux premiers concernés. Il suffit que les parents adhérent au dépistage prénatal pour que l’avis des enfants autistes ne soit pas pris en compte.
Oui, c’est en soi inquiétant, car en pratique, les patients disent souvent OUI sans vraiment comprendre.
J’aime bien le rappel de la situation des travailleurs en France, qui ne sont pas que français, et donc plus vulnérables (conditions de travail).
Article bien écrit.
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