La neurodiversité France

Validisme contre les adultes autistes dans les assurances emprunteur

La Neurodiversité France souhaite la fin de l’obligation de déclarer le diagnostic de Troubles du spectre de l’autisme (TSA) dans le cadre d’une négociation d’assurance emprunteur. L’autisme n’est pas réductible à un problème de santé, pas plus que l’autonomie financière d’une personne ne saurait dépendre entièrement d’un diagnostic. Nous proposons de baser les négociations d’assurance emprunteur sur une évaluation de risques financiers dépendante de l’interaction entre la personne et son environnement, et non de son seul diagnostic médical de TSA.

De plus, cette obligation de déclarer le diagnostic de TSA entraîne un risque d’extension à toutes les neurodiversités, telles que les troubles dys et le TDAH.

Analyse.

Une discrimination signalée en consultation citoyenne

Avant le dévoilement des mesures du nouveau plan autisme et TND voilà trois semaines, une consultation citoyenne avait été menée, en avril et mai 2023. Dans cette consultation, un homme vraisemblablement autiste, nommé « Louis », a proposé de rendre illégale l’obligation de déclarer le diagnostic de TSA (trouble du spectre de l’autisme) et tout diagnostic dit de TND (trouble neurodéveloppemental) dans les documents de négociation d’assurances emprunteurs. Sa proposition, qui concernerait donc les personnes autistes, dys, et TDAH, a reçu 255 votes favorables, soit l’une des plus vastes participations citoyennes pour une mesure non-directement proposée par le gouvernement : https://consultation-tnd.handicap.gouv.fr/consultations/thematique-6/consultation/consultation/opinions/pair-aidance/interdire-lobligation-de-declarer-un-autisme-tnd-dans-des-assurances-de-credits-immobiliers

Cette proposition a suscité une immense adhésion, avec 98 % de votes favorables. Chacun des 22 commentaires soutient la cessation de cette obligation de déclarer le diagnostic de TSA. Certains commentaires témoignent d’un choc face la découverte d’obligation de divulgation de diagnostic en cas d’emprunt immobilier : « ça me parait même fou, j’aurais même pensé que c’est carrément illégal, c’est un scandale, une honte ».

Cette proposition ne figurait initialement pas parmi les 81 retenues dans le nouveau plan TND (troubles du neurodéveloppement) pour 2023-2028. Une note publiée le 21 novembre 2023, faisant suite à un message envoyé par notre secrétaire à Etienne Pot, est venue corriger cet oubli. Un groupe de travail devrait donc se pencher sur les TND dans le cadre de la convention AERAS (convention « emprunter avec un risque aggravé de santé ») durant cette stratégie autisme 2023-2027.

Quels problèmes pose l’assurance emprunteur ?

Toute personne autiste diagnostiquée, même avec un emploi et des revenus, est actuellement dans l’obligation de déclarer son diagnostic si elle veut effectuer un emprunt immobilier afin d’acquérir un logement en France.

À cela s’ajoute une vision de l’autisme exclusivement médicale et très validiste de la part des assureurs. Pour ne garder que l’exemple de ce site web : https://www.jempruntejassure.com/assurance-pret-autisme, il nous y est expliqué que « l’autisme est considéré comme une situation à risque pour la majorité des assureurs ». La description assimile ensuite à tort le diagnostic de TSA à une maladie qui ferait souffrir.  Or, et la seule existence de notre association le démontre, l’autisme n’est pas vécu comme une maladie par la majorité des personnes autistes adultes qui envisagent un emprunt pour l’achat de leur propre logement. Il ne s’agit pas d’une altération transitoire de leur santé, mais d’une neurodiversité, qui perdure toute la vie. 

Le site web d’assureurs cité plus haut ajoute : « Lors du remplissage du questionnaire de santé DES, il est important que l’assuré stipule qu’il souffre d’autisme. Le médecin conseil en charge des questionnaires de santé demandera des examens complémentaires ».

La mention du diagnostic de TSA entraîne donc une obligation d’examens médicaux supplémentaires, dans un contexte de méconnaissance importante par une partie du corps médical. La suite de la notice de ce site web d’assureurs confirme d’ailleurs l’ampleur de ces méconnaissances : « Il est vivement recommandé de préciser au médecin conseil des assurances l’origine de l’autisme afin de savoir si l’assuré souffre d’un véritable autisme ou d’un syndrome d’Asperger » !

Non-seulement, l’ancien diagnostic de syndrome d’Asperger est assimilé sur ce site à un faux autisme, mais en plus, les rédacteurs de cette notice semblent ignorer que le diagnostic du syndrome d’Asperger, nommé en référence à un médecin eugéniste, n’est plus posé depuis la parution de la CIM-11 en 2020. Cela laisse présager le pire pour nous autres neurodivergents lors des examens médicaux en question, au plus grand bénéfice financier des assureurs. Le site assure que « Si l’assuré à une vie normale, avec un travail qui se déroule sans aucun encombre et sans aucune prise de traitement ou aide particulière alors l’assuré bénéficiera d’une tarification normale pour la totalité des garanties ».

Dans les faits, la réticence généralisée des employeurs à accorder des aménagements raisonnables tels que le télétravail, doublée à l’absence d’aménagements pour réduire l’exposition aux lumières vives et aux bruits dans les transports en commun comme sur un lieu de travail en présentiel (imposition d’open spaces), fait que les adultes autistes ayant « un travail qui se déroule sans aucun encombre et sans aucune prise de traitement ou aide particulière » sont extrêmement rares. Les quelques retours de la part de pairs qui ont tenté de négocier une telle assurance sont d’ailleurs unanimes pour signaler l’application de pénalités. 

De plus, le risque est grand de voir cette obligation s’étendre à d’autres neurodiversités. Rien ne garantit qu’une case « TDAH » ou une case « dyslexie » n’apparaîtront pas un jour dans ces questionnaires, encore moins dans un contexte où un début de preuves scientifiques met en lien TDAH et réduction de l’espérance de vie.

Que proposons-nous ?

Actuellement, cette obligation de déclarer le seul TSA, assimilé à un « risque aggravé de santé », est à la fois discriminatoire et illogique. Pourquoi seulement le TSA, et pas tous les « troubles neuro-développementaux » (TND), qui sont également source potentielle de discrimination professionnelle validiste, et donc de perte de revenus pour les personnes concernées ?

Nous proposons de supprimer totalement l’obligation de déclarer tout TND lors d’une négociation d’emprunt immobilier, et de la remplacer par une évaluation globale de l’autonomie et des risques financiers et professionnels sans obligation de mention d’un diagnostic médical relevant des TND, conformément au modèle social du handicap. Actuellement, plusieurs adultes en souffrance au travail refusent d’entrer dans une démarche diagnostique car ils craignent que le diagnostic de TND ne devienne un prétexte à réduire leurs droits à l’emprunt immobilier.

Le risque financier encouru par une personne autiste ne peut être réduit uniquement à sa nature d’autiste. Une même personne autiste, placée dans deux environnements professionnels différents, pourra soit poursuivre une activité professionnelle sans aucun problème pendant des décennies, soit subir des pertes d’activités et de revenus, par exemple à cause de l’absence d’aménagements raisonnables dans les transports en commun et de la part de ses différents employeurs (télétravail, adaptations sensorielles, etc). Il en va de même pour les personnes TDAH et dys dans les milieux professionnels. Assimiler sans nuance tous les TND à des « risques aggravés de santé » dans la convention AERAS relève d’un non-sens.

C’est pourquoi La Neurodiversité France soutient une suppression de l’obligation de déclarer le TSA de la convention AERAS lors de la prochaine stratégie nationale TND.

Enfin, nous pouvons citer de nombreux adultes autistes qui ont acquis un bien immobilier hors de la France (en Belgique notamment) en raison de l’ampleur des discriminations subies dans ce pays. Hugo Horiot et Josef Schovanec en sont deux exemples connus.

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