Tu ne tueras point : propagande sur une chaîne du service public
Malgré la mobilisation de notre association contre la diffusion de ce téléfilm en prime time le 3 avril 2024 et l’organisation d’une manifestation au pied des locaux de France Télévision par Cle-Autistes, la chaîne de service public France 2 a maintenu Tu ne tueras point.
Nous payons les conséquences de cette généreuse médiatisation auprès de 3,4 millions de nos concitoyens.
"Tu ne tueras point", un téléfilm de propagande
Présenté comme un téléfilm de sensibilisation aux conditions de vie difficiles des aidants et parents de personnes handicapées, Tu ne tueras point relève d’un exercice de propagande pour l’euthanasie. Dans la définition du dictionnaire, la propagande est une mise en œuvre de moyens d’information afin de créer un mouvement d’opinion. Ce téléfilm y correspond parfaitement.
Le scénario, tiré d’une idée originale de Samuel Le Bihan, reprend l’argumentaire développé par Anne Ratier dans son témoignage J’ai offert la mort à mon fils, en faveur de ce qu’elle nomme euthanasie pour autrui. Comme le livre de Ratier, ce téléfilm plaide à travers ses dialogues et décors pour un droit parental à tuer son enfant :
- Une insistance permanente sur la « sévérité » des handicaps et la « violence » d’une enfant déshumanisée (son visage n’apparaît que sur une pancarte, jamais le téléspectateur ne la voit sourire) ;
- La juge du téléfilm rappelle deux fois que l’euthanasie est interdite ; une pancarte « non à l’euthanasie » est visible parmi des manifestants lors du procès ;
- L’avocat de la meurtrière (Samuel Le Bihan) interprète l’arrachage d’un cathéter et le refus de s’alimenter de l’enfant sous le seul angle d’une volonté de mourir ;
- La mort de la fillette autiste arrange tous les protagonistes du film : le couple qui a explosé après la naissance de Clara se reforme, l’avocat joué par Le Bihan retrouve l’estime de son fils ;
- Le point de vue des personnes autistes et/ou handicapées n’est jamais montré.
Une couverture médiatique massive
La diffusion de Tu ne tueras point, intervenue dans le sillage d’une prise de parole présidentielle en faveur de l’aide à mourir, permet d’influencer l’opinion publique.
Une action de propagande se définit également par la multiplicité des canaux de communication qui relaient un même message.
Or, le 3 avril et après, de très nombreux médias ont couvert un cas particulier de demande de suicide assisté aux Pays-Bas. Celui d’une jeune femme néerlandaise de 28 ans, dépressive et autiste. Articles et vidéos insistent sur l’incurabilité de l’autisme, la souffrance qu’il provoquerait et l’impuissance de la médecine. Ce fait divers a bénéficié d’une couverture médiatique de très grande ampleur, à la fois dans des médias régionaux comme Le Parisien et L’info réunionnaise, mais aussi des médias nationaux ou internationaux comme BFMTV, MSN et CNews, et d’une vidéo par Brut (voir ci-dessous).
Jamais le message « mieux vaut être mort(e) qu’handicapé(e) » n’avait été diffusé si massivement lors d’une Journée mondiale de sensibilisation à l’autisme en France.
Mise en souffrance de personnes autistes et de leurs parents
L’ARCOM (Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique) a reçu de nombreux signalements pour incitation au suicide et promotion de l’eugénisme. D’après leurs témoignages sur des réseaux sociaux, reproduits ci-dessous, des dizaines de parents ont éloigné leurs enfants autistes de la télévision.
La bande-annonce suffit pour comprendre le message du téléfilm :
Nous ignorons à ce stade le nombre de signalements à l’ARCOM.
Ignorance ou malveillance ?
Comment cette diffusion a t’elle pu être maintenue en prime time pour une journée mondiale de sensibilisation, dans un contexte où le groupe France Télévision se déclare « fortement engagé en faveur de l’inclusion, de la compréhension et de l’amélioration de la vie des personnes en situation de handicap » ?
Peut-être que les programmateurs de FranceTV ignorent que les taux de pensées suicidaires et de suicides parmi la population autiste sont plus de 3 fois plus élevés qu’en population générale, et que le sentiment d’être des fardeaux pour leur entourage joue un rôle majeur dans le passage à l’acte ? Un sentiment que vient exacerber ce téléfilm…
La seconde hypothèse est plus improbable, mais aussi bien pire : y a t’il volonté délibérée de pousser des enfants et jeunes autistes aux pensées suicidaires, en les amenant à conclure que leur disparition physique libèrera leurs proches d’un fardeau ? D’inciter des personnes autistes et leurs parents à demander une légalisation de l’euthanasie pour « souffrances psychiques » ? Cette question se pose d’autant plus que Samuel Le Bihan est également co-président (avec Florent Chapel) de la seule plate-forme d’appels téléphoniques financée et soutenue par l’état pour répondre aux demandes des personnes autistes et de leurs proches, Autisme Info Service.
Ignorance ou malveillance, les conséquences de cette diffusion sont graves.
Une semaine après le 3 avril, le groupe France Télévision n’a adressé aucune demande d’excuses. La classe politique française a très peu réagi, à l’exception notable du député Sébastien Peytavie. Nous remercions aussi le psychiatre Hugo Baup pour son soutien, et la vidéaste Angie Breshka (voir ci-dessous).
Samuel Le Bihan et Florent Chapel ont reçu une légion d’honneur le 2 avril, la veille de la diffusion du téléfilm. Ils n’ont adressé aucun mot d’excuse aux personnes autistes ou à leurs parents. Le tout, après une tournée médiatique de Le Bihan relevant d’un dangereux mélange des genres entre rôle télévisuel, exposition de la vie privée de sa fille autiste, mensonge sur le nombre de meurtres auticides, et défense d’un droit maternel à reprendre la vie de son enfant
Photo d’en-tête : manifestation organisée par l’association CLE-autistes au pied des locaux de France Télévision, le 3 avril 2024 au soir. Source.
Quand j’ai vu la bande-annonce, j’ai vite pensé à un film qui justifie honteusement l’auticide. C’est juste inacceptable !