Tout d’abord il convient de convenir d’une chose : la recherche médicale, le progrès scientifique sont des priorités. Les chercheurs doivent être soutenus et leurs travaux financés quand ils ont comme enjeu une meilleure vie pour les personnes en situation de handicap. De même, le Téléthon a permis de mettre en lumière des situations méconnues, souvent ignorées, parfois volontairement par la société.
Mais le Téléthon n’a pas produit que des effets positifs et il convient de conserver un regard critique sur cette opération qui demeure avant tout une opération de récolte de dons à travers une communication très médiatique.
Il existe une confusion sur cette opération.
Beaucoup de personnes, si ce n’est une grande majorité pense que le Téléthon est « l’émission pour la recherche contre le handicap pour aider les personnes handicapées ».
Ce n’est pas le cas.
Cette émission et les dons effectués vont auprès d’un unique acteur : l’Association Française contre les Myopathies ou AFM.
Il n’est pas ici question de juger l’action de cette association mais simplement de préciser qu’elle est la seule bénéficiaire de ces dons. Ce qui est logique car c’est cette association qui l’organise.
Mais c’est à rappeler, cet événement ne concerne qu’une association (parfois à l’échelle locale l’activité est répartie sur quelques associations) et concerne quelques situations de handicap.
De plus, ce ne devrait pas être aux citoyens de financer directement cet appel au dons, mais à l’État de financer la recherche publique.
Cette confusion engendre une vision du handicap. Une vision orchestrée par le spectacle médiatique et induisant l’idée que le handicap se résume à ce qui est montré sur les plateaux de télévision. Des personnes, souvent des enfants, en fauteuil roulant.
Ce qui n’est pas la majorité des situations, une majorité de ces situations n’étant pas visible.
Ce biais engendre une image misérabiliste qui n’a qu’un but : l’apitoiement et la charité afin de multiplier les dons.
Les personnes en situation de handicap seraient dès lors des personnes cassées, que la science devrait à tout prix réparer.
Avec le Téléthon, la science progresse, la société recule.
Il n’est alors nullement question de construire une société adaptée à toutes et tous, de produire de meilleurs outils de soins et d’accompagnement des diverses situations.
Malheureusement, cette émission renforce le validisme qui consiste à diviser les citoyennes et citoyens en deux catégories, les personnes valides et aptes, les personnes invalides et inaptes. C’est une pensée totalement utilitariste des individus et cela créé une hiérarchie entre les citoyens, ceux qui sont des citoyens à part entière et ceux qui n’en seraient pas capables.
Le misérabilisme est aussi une intention à faire peur. Un message, une injonction : « donnez, cela pourrait être un de vos enfants ». C’est la définition même de l’handiphobie, un puissant moteur et déterminisme du statut quo de notre société car elle conduit à deux conséquences : l’essentialisation du handicap, c’est à dire que la société n’a pas à s’y adapter, et le rejet de la diversité des personnes.
Finalement, les enfants mis en avant dans cette émission sont l’outil d’une opération d’appel aux dons. Cela dit quelque chose de notre société.