Par Juliette Speranza aux éditions Albin Michel
Un titre choc qui ne peut que susciter des sentiments contrastés. Si je ne connaissais pas l’auteure je me dirais que c’est un livre que l’on ne voit que trop, de pédagogues célèbres, adeptes des têtes de gondole.
Rien de tout cela ici. Point de phrase sensationnaliste, pas de formule toute prête et toute faite sur l’éducation, pas de liste à la Prévert de solutions sorties ex nihilo de tout contexte. Cela change !
Tout d’abord la forme avant le fond. C’est bien écrit, le style est simple, sans fioriture, ce qui permet de rendre le sujet accessible et non élitiste. Un point qui semble accessoire mais qui ne l’est pas. Le jargon permet souvent de cacher la vacuité d’un propos, ou de mettre une distance afin que le message devienne une consigne, ou une pensée auto proclamée comme experte et référente. Ici l’auteure propose, le lecteur dispose. L’importance de cette simplicité est d’ailleurs accentuée par la radicalité de la pensée et de l’argumentation. De fait, le style est très agréable, rythmé, les chapitres sont courts.
Le fond désormais. C’est très étrange pour moi, car j’aurais pu écrire ce livre. Je suis d’accord et je soutiens tout ce qui y est écrit. Que cela soit la critique d’une espèce de totalitarisme de la norme au sein du système scolaire, de la surcharge administrative comme cause additionnelle de la production de normes, la mise en place de pansements sur des jambes de bois rendant le système encore plus inégalitaire, la souffrance scolaire des professeurs, des élèves, et des parents, le dialogue difficile entre les professeurs et leur hiérarchie, mais aussi entre les professeurs et les parents.
Je suis d’accord aussi avec l’idée selon laquelle l’enfant n’est finalement plus central, l’élève n’est finalement plus l’acteur pour lequel existe l’école.
Je suis également d’accord avec les pistes proposées, la neurodiversité, la contextualisation de l’éducation et des méthodes d’apprentissage voire leur individualisation, la sortie de ce système normatif par un universalisme particulariste.
Je pense d’ailleurs avoir la même filiation philosophie que Juliette, sont cités notamment Comenius et Condorcet, mais j’ai reconnu aussi John Dewey et Jane Addams. Cela explique peut être cette entente dans les idées.
Ce livre en appelle peut être un autre sur les causes de ce système normatif, sur la mauvaise lecture politique des Lumières, sur un égalitarisme qui a tué la notion d’individu, l’école comme un utilitarisme professionnel et productiviste et non une fin en soi (les tests de QI notamment sont abordés).
Ce livre devrait inspirer les partis politiques pour trouver des solutions politiques à un constat qui est alarmant et vrai.
Je conseille cet ouvrage à tous, vraiment !
Jimmy Béhague
Président de la Neurodiversité France