La neurodiversité France

Chronimed : une affaire enterrée ?

Souvenez-vous, en septembre 2020 éclatait l’affaire Chronimed, une expérimentation d’antibiotiques menée hors protocole médical et à grande échelle sur des enfants autistes, impliquant des personnalités jusqu’au plus haut niveau de l’Etat.

Des milliers d’enfants ont reçu des prescriptions d’antibiotiques sur la base d’une fake news : la prétendue possibilité de les guérir d’un autisme infectieux.

Chronimed, c'est quoi ?

Initialement, c’est une association loi de 1901, crée dès 2009 par un groupe de médecins soutiens de Luc Montagnier. Montagnier a sombré dans la « maladie du nobel », multipliant les déclarations péremptoires autour de sujets médicaux situés hors de son champ de compétences.

L’affaire Chronimed s’inscrit dans un contexte de nombreuses déclarations sans preuves, entre la papaye fermentée qui soignerait la maladie de Parkinson, la téléportation de l’ADN, la mémoire de l’eau, et la prétendue introduction de séquences du VIH dans le Coronavirus SARS-CoV-2. Aucune de ces hypothèses défendues par Montagnier n’a été prouvée.

Dr Luc Montagnier virologue français, prix Nobel de médecine (2008)

Le groupe Chronimed, mené entre autres par Corinne Skorupka, une praticienne DAN! (protocole pseudoscientifique américain prétendant guérir l’autisme par la chélation des métaux lourds et le refus de vaccination), tente en 2010 de faire approuver un essai antibiotique au long cours sur des enfants autistes. Cet essai est refusé par le comité d’éthique : il n’existe aucune preuve d’origine infectieuse de l’autisme, donc aucune raison d’exposer des enfants à ces prises d’antibiotiques.

Malgré ce refus, Luc Montagnier déploie une communication de grande ampleur en 2012 à l’Académie nationale de médecine, annonçant que l’origine de l’autisme serait… infectieuse, liée aux microbes, aux pesticides et aux radiations électromagnétiques. Pire, il promet que son « traitement » expérimental « améliorerait » 55 % des enfants ! La « piste microbienne » de Luc Montagnier est même présentée dans le journal de TF1, ce qui permet à un grand nombre de parents d’enfants autistes d’en avoir connaissance.

Le problème, c’est que les déclarations de Montagnier… ne s’appuient sur rien. 

Ni sur des études, ni sur la moindre preuve. 

 

L’Académie nationale de médecine se désolidarise immédiatement de ses propos (source : https://www.sciencesetavenir.fr/sante/autisme-et-microbes-l-academie-de-medecine-se-demarque-du-pr-montagnier_12787). Cette affaire donne lieu à une excellente série d’articles de Jean-Yves Nau, journaliste scientifique et docteur en médecine ;  son « debunkage » est, hélas, beaucoup moins diffusé que la fake news initiale (source : https://www.revmed.ch/revue-medicale-suisse/2012/revue-medicale-suisse-335/autisme-et-antibiotiques-l-affaire-montagnier-1).

Durant une dizaine d’années, des médecins généralistes prescricent le protocole médicamenteux de Chronimed à des milliers d’enfants autistes, poussés par les promoteurs zélés de ces pseudos traitement. La promotion de Chronimed s’effectue jusqu’au plus haut niveau du Comité d’autisme en France.

L’affaire n’est publiquement révélée qu’en septembre 2020, au terme de nombreuses alertes restées sans suite.

Quels problèmes posent Chronimed ?

La problématique de Chronimed est double. 

La première, c’est de proposer une solution expérimentale sans contrôle ni examen de sa validité, qui repose pourtant sur une fake news, à savoir que l’autisme serait la conséquence d’un déséquilibre du microbiote intestinal, lié à une infection.

La seconde, c’est de procéder à une expérimentation sur de nombreux enfants, fondée sur ces fakes news et la manipulation de parents convaincus, sur certains instituts de recherche et chercheurs. 

Des parents qui souhaitent ardemment un remède pour leurs enfants, et qui sont donc vulnérables face à ce type de manipulations. 

Des parents qui sont également mal conseillés par des associations d’aidants, complices de Chronimed et de la diffusion de leurs fakes news. 

Malgré la mise en exergue de la fausseté des théories de Luc Montagnier et de Chronimed, malgré la mise en alerte des pouvoirs publics, certaines associations persistent dans la diffusion de ces dangereuses théories, et de nombreux parents continuent d’être abusés.

Expériences chronimed

Il est alarmant de constater que ce scandale ait été si peu médiatisé, et l’on peut se demander si ce n’est pas le reflet de la considération que la société a à l’encontre des personnes autistes et des personnes dites en situation de handicap plus globalement. N’y aurait il pas eu une plus grande médiatisation si des prescriptions abusives d’antibiotiques avaient été effectuées sur des enfants que la société considère comme valides ? La question se pose, malheureusement. 

L'action de La Neurodiversité France

La Neurodiversité-France a fait de la lutte contre les fake news et les dérives sectaires l’une de ses priorités. Il est évident que nous dénonçons Chronimed, et tout champ expérimental qui s’y rapporte.

Nous dénonçons également les associations qui œuvrent à la diffusion de ces charlataneries dangereuses, et nous souhaitons alerter les personnes concernées, comme leurs familles, des dangers à désirer un remède à quelque chose qui n’est pas une maladie, et dont les causes sont majoritairement génétiques. En effet, l’autisme, comme les autres spécificités neurodévelopementales, n’est pas une maladie et ne peut donc être susceptible d’une guérison. 

Le combat qui doit être le nôtre est d’imposer cet état de fait aux pouvoirs publics, aux citoyennes et aux citoyens pour enfin accéder à une société qui soit adaptée à toutes et à tous. Car c’est cette exclusion sociétale et sociale qui est la cause première des souffrances que nous endurons. C’est cette culpabilité d’être ce que nous sommes, cette injonction à nous conformer, à être autre chose, une autre personne, à être privés de droits dont le premier est d’être soi-même, avec nos comportements, nos personnalités, nos manifestations, qui est la première cause de nos souffrances. Et la première cause de souffrance de nos proches demeure cette société qui les abandonne, qui nous abandonne, qui regarde ailleurs, tout en jugeant ; qui laisse tomber, tout en accablant, sans proposer ni moyens, ni accès à quelque adaptation. 

Cette course au traitement, ce refus de reconnaitre notre condition est la première conséquence d’une société qui broie. 

La cohorte Marianne : une réplique de Chronimed ?

Alors que la majorité des causes de l’autisme sont génétiques, et que ce point fait consensus pour les chercheurs au niveau mondial, la Stratégie autisme a approuvé en 2022 une étude cohorte dont l’objet est d’étudier l’influence de facteurs environnementaux et biologiques dans la « survenance » de l’autisme, afin de la « prévenir » : https://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/fr/marianne-une-nouvelle-cohorte-nationale-dediee-la-recherche-dans-le-domaine-de-l-autisme-84173

Nous retrouvons dans ce postulat les idées fondamentales du groupe de Luc Montagnier, certes dépouillées de leurs dérives éthiques. Comment un tel projet a pu être approuvé et financé jusqu’au plus haut niveau de l’Etat alors qu’il ne rencontre aucun soutien des principaux concernés, les personnes autistes ? 6 millions d’euros d’argent public sont gaspillés, alors que ces 6 millions auraient pu bénéficier à de nombreux autres secteurs tels que celui de l’éducation, pour mieux accueillir les personnes autistes.

Nous autres personnes autistes existons. Investir dans notre « guérison » alors même qu’elle est impossible et qu’elle n’est pas souhaitable, tout en refusant d’investir dans notre accessibilité scolaire et notre participation à la vie sociale et économique, n’est pas digne d’une nation qui revendique agir au nom des droits humains.

1 réflexion sur “Chronimed : une affaire enterrée ?”

  1. Ping : Non à Michèle RIVASI aux Journées des Ecologistes - La neurodiversité France

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *