La Neurodiversité France s’est exprimée dès mars 2023, et à plusieurs reprises, au sujet de la vaste diffusion médiatique du discours idéologique de la psychanalyste Caroline Goldman.
Ses prises de position ne s’appuient que rarement sur des connaissances consensuelles. Et ces opinions sont nuisibles aux personnes neurodivergentes. De sa survalorisation du « savoir-être » chez les enfants, jusqu’à sa remise en cause des diagnostics de TDAH et de TSA, Caroline Goldman s’est pourtant vue dérouler le tapis rouge dans de nombreux grands médias, Le Point lui ayant consacré sa une, et France Inter 40 émissions de radio sans aucune contradiction.
Nous proposons ici une analyse concrète des effets de son discours.
Déni de la validité des diagnostics de troubles du neuro-développement
Si Goldman est tristement connue pour s’opposer à la grande majorité des diagnostics de Trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH), elle a aussi pris position, dans ses écrits, contre la validité de la notion de TSA (Troubles du spectre de l’autisme), notamment dans cet article :
il me semble impératif de mener aujourd’hui une réflexion intellectuelle sur l’omniprésence du TSA et du TDAH, qui semblent aujourd’hui avoir avalé toutes les nuances passées de la pédopsychiatrie en général, et de la psychopathologie en particulier.
Carolin Goldman, Critique du "TDAH", Le Carnet psy
Elle s’est exprimée sur son Instagram pour contester l’existence même des troubles neuro-développementaux (TND), une catégorie clinique dont la validité est pourtant consensuelle à l’échelle mondiale, comme notre association l’avait documenté en mars dernier, à partir d’un podcast de Méta de Choc :
Elle semble préférer les pseudo-diagnostics de la CFTM (Classification française des troubles mentaux), posés pendant des années par les psychiatres et pédopsychiatres d’obédience psychanalytique.
Des pseudo-diagnostics qui n’existent nulle part ailleurs dans le monde, à base de dysharmonies psychotiques et autres psychoses infantiles. Des pseudo-diagnostics dont la génération des personnes autistes nées dans les années 1980 et 1990 a profondément souffert, particulièrement à cause de l’assimilation erronée de leur comportement à de la psychose (« perte de contact avec la réalité »), permettant de discréditer leur parole dans un cadre institutionnel, scolaire ou judiciaire. La culpabilisation généralisée des parents en est également caractéristique.
Aucun membre de notre association ne souhaiterait revenir au temps des diagnostics CFTM.
Caroline Goldman réfute également l’existence des troubles dys, qui n’étaient pas non plus reconnus à cette époque par la pédopsychiatrie française. Combien d’entre nous ont été accusés de « faire exprès » de mal écrire (dysgraphie), d’être volontairement « nuls en maths » (dyscalculie), ou encore de « ne pas vouloir faire l’effort de manger seuls / d’attacher leurs lacets seuls » (dyspraxie), par des pédopsychiatres formés à la psychanalyse ? Quand ce n’était pas nous qui recevions le reproche, nos parents étaient mis en cause. L’une des membres de notre association, dyspraxique, n’arrivait pas à mettre son manteau seule, et s’est exposée à des températures glaciales en plein hiver, donnant une dizaine de bronchites. La psychiatre-psychanalyste qui la suivait avait reproché à sa mère de ne pas l’autonomiser !
Nous affirmons que la notion de trouble du neurodéveloppement, bien au-delà de sa validité scientifique, correspond beaucoup mieux à nos expériences quotidiennes. Décrire ses relations familiales à un psychanalyste qui croît en l’universalité d’un complexe d’Oedipe n’est d’aucune utilité pour aider une personne à mieux vivre son trouble dys, son autisme ou son TDAH.
Seul le discours de Caroline Goldman au sujet du HPI nous apparait en phase avec les connaissances actuelles et avec nos vies : la notion de HPI a bien été dévoyée dans une optique mercantile de pathologisation des personnes concernées, alors que le HPI n’est pas par nature un handicap. Notre association a déjà pris la parole à ce sujet en 2019, puis en 2022.
Survalorisation du "savoir-être"
À longueur de podcasts, de chroniques et d’interviews, Caroline Goldman insiste sur les compétences de « savoir-être », qu’elle place au premier rang des qualités humaines. En niant la réalité d’une majorité de diagnostics de troubles neurodéveloppementaux (TND) tout en accusant l’éducation des enfants d’être responsable de leurs comportements, elle rend les personnes TND et leurs parents responsables de leur état, ainsi que de leurs multiples exclusions scolaires et professionnelles.
À titre d’exemple, dans sa chronique du 4 juillet sur France Inter, elle déclare que les enfants doivent être éduqués à devenir « sympas », en vue de grandir selon elle, comme « des êtres socio-relationnels capables d’être attentifs aux autres et généreux ».
Aucune raison de s’offusquer, nous sommes d’accord !
Mais cette déclaration nous a immédiatement rappelé le titre du livre et du site web de Julia March, « La fille pas sympa ». L’accusation d’être « pas sympa », « pas attentifs aux autres », « égoïstes » et « égocentriques » est un reproche-phare porté à l’encontre de personnes autistes. De nombreux membres de notre association l’ont entendu, parfois jusqu’à tomber en dépression plusieurs années. Le diagnostic de TSA, lié aux troubles du neuro-développement, a diminué la culpabilité ressentie par ces personnes accusées à tort d’être volontairement égoïstes et/ou égocentriques.
En insistant sur ces « qualités socio-relationnelles » et sur l’éducation parentale tout en récusant la validité de leurs diagnostics, Goldman rend les personnes autistes, TDAH et dys, ainsi que leurs parents, seuls responsables de leur souffrance. Et ce, dans un contexte de rejet systémique des élèves neurodivergents à l’école, à l’emploi et dans les études, dont la cause majeure invoquée est… le « comportement ».
Il est temps de cesser la diffusion médiatique des opinions de Caroline Goldman
Nous craignons un durcissement de notre exclusion si les propos de Caroline Goldman continuent d’être à ce point médiatisés en France, surtout sur des médias publics dont le rôle devrait être au contraire de faciliter l’inclusion des personnes neurodivergentes.
Rappelons que la France est déjà condamnée par toutes les instances internationales (ONU, Conseil de l’Europe…) pour la ségrégation institutionnelle et l’exclusion scolaire imposées aux personnes en situation de handicap, autistes en particulier. La responsabilité du référentiel de psychanalyse dans ces dénis de droits est scientifiquement établie, entre autres par Joël Swendsen et Dorothy Bishop, que nous citons ici :
« En France, la psychanalyse est toujours utilisée, malgré les objections des patients, des familles et des experts en santé mentale. Les partisans de la psychanalyse soutiennent que le choix de l’approche thérapeutique est une question de préférence culturelle et que les objections à la psychanalyse résultent de malentendus. Nous soutenons que les problèmes les plus profonds sont l’absence de base factuelle pour la psychanalyse et l’accent mis sur les relations sexuelles entre enfants et adultes, qui diabolise les mères et peut exposer les enfants à des risques de maltraitance. En outre, la psychanalyse en France est protégée des critiques par de puissants réseaux éducatifs et politiques ».
Article publié en août 2023.
Mis à jour en septembre 2024.