Vendredi dernier, un enfant autiste de 11 ans a été assassiné par sa mère. La Neurodiversité France souhaite revenir sur cette affaire et sur la manière dont ce meurtre est commenté.
Ce que l’on sait du meurtre
D’après les sources croisées du Parisien, de Libération, de La Provence et d’autres médias, une mère de 39 ans, inconnue des services de police, a frappé son fils autiste dans son appartement du 10e arrondissement de Marseille, avant de l’amener dans « le ravin » sur les berges de la rivière Huveaune, et de l’y tuer à coups de couteau de cuisine dans le torse. Elle laisse le corps dans ce « ravin », puis revient sur place un peu plus tard, pour se débarrasser d’affaires. Elle se rend ensuite à la gendarmerie, prétextant que son fils est porté disparu car il a échappé à sa surveillance. Au moment du signalement, il était déjà mort.
La mère feint ensuite de participer à des recherches de son fils avec ses proches, dans le quartier de La Capelette. Le corps est découvert samedi par le père et l’oncle de la victime. Selon l’oncle de cet enfant, les marins-pompiers auraient conseillé à la famille de ne pas regarder son corps, car le visage de l’enfant était « abîmé ».
La mère est placée en garde à vue, et finit par avouer le meurtre. L’enquête policière permet de découvrir de nombreuses traces de sang entre son domicile et le ravin, et la vidéosurveillance de corroborer ses aveux. Elle explique qu’elle n’arrivait plus à gérer les « crises » de son fils. Sa garde à vue est prolongée dimanche 30 octobre.
Pourquoi résumer ces détails sordides ? L’extrême violence de ce crime, commis à l’arme blanche, est passée sous silence dans les commentaires médiatiques, de même que la volonté de le dissimuler. De plus, nous n’avons aucune information à propos du profil de la victime, pas même un prénom…
L’autisme excuse t’il le meurtre ?
Le traitement médiatique offre une différence saisissante avec celui d’un autre meurtre récent, dont la victime est d’âge similaire : Lola, 12 ans. Alors que Cyril Hanouna a demandé à se passer de procédures judiciaires pour condamner la meurtrière de Lola à perpétuité, sur C8, concernant le meurtre auticide à Marseille, le traitement de la meurtrière marseillaise, « cette malheureuse femme », attirer la compassion sur elle plutôt que sur sa victime.
La mort de cet enfant autiste anonyme de Marseille est « excusée », voire « pardonnée » dans les commentaires des médias, en raison de ses… « crises d’autisme ». Les mots employés atténuent le meurtre : les commentateurs parlent de « drame », et du « geste » de la meurtrière. Cette rhétorique rappelle la manière dont les féminicides étaient traités dans la presse voilà une vingtaine d’années, et qualifiés de « drame familial ». Or, cet enfant de 11 ans a été tué précisément parce qu’il est autiste. C’est un auticide, tout comme un féminicide est le meurtre d’une femme en tant que femme. Au contraire de ce qui ressort dans les médias, la violence subie par les personnes autistes durant leur vie est quantitativement plus importante que la violence qu’elles infligent aux autres (McGuirre, 2016 ; Chapman 2017). L’autisme n’est pas caractérisé par des « crises », mais par des difficultés de communication qui génèrent des comportement-problèmes, lesquels peuvent être résolus grâce à… un bon accompagnement.
La carence d’accompagnement, ainsi que la responsabilité des pouvoirs publics français dans la situation de cet enfant, sont évidentes. Suffisent-elles à excuser un meurtre ? Faut-il remercier les milliers de parents qui… ne tuent pas leurs enfants autistes malgré l’absence totale d’accompagnement ? Dans les commentaires d’articles de presse et des réseaux sociaux, une extrême violence écrite se déchaîne contre les personnes autistes, allant de l’appel à notre extinction (développement d’un dépistage prénatal) jusqu’à ceux qui demandent l’acquittement de la mère en raison de la « charge » de l’autisme, ou qui disent que cet enfant « n’a jamais demandé à venir au monde autiste, et ne souffre plus [maintenant qu’il est mort] » .
Sur le réseau social Facebook, plusieurs parents et une responsable associative s’en prennent à… la neurodiversité. Quel rapport avec le meurtre d’un enfant ? Cet artifice rhétorique, nommé « culpabilité par association », fait croire que le mouvement de la neurodiversité aurait une responsabilité dans ces auticides, et que les associations dites « de famille » protègent les intérêts des enfants avant ceux de leurs parents.
C’est l’inverse.
Soutien historique des associations « de familles » ou « de parents » aux meurtrières
Personne parmi les responsables ou adhérents du mouvement de la neurodiversité n’a été, à notre connaissance, condamné pour meurtre. Au contraire, ce sont les membres du mouvement de la neurodiversité, et en particulier Kathleen Seidel (http://neurodiversity.com/murder.html) et Michelle Dawson, qui ont les premiers comptabilisé les « auticides » durant les années 2000, ces meurtres de personnes autistes tuées en tant qu’autistes. Il existe aussi des preuves irréfutables que certaines associations dites « de parents » comptent des meurtriers, et sont intervenues au cours de procédures judiciaires pour obtenir l’acquittement de mères filicides.
En 1994, l’adhérente de Sésame autisme Languedoc-Roussillon Jeanne-Marie Prefaut a assassiné sa fille autiste, avant d’être condamnée à une peine de prison de cinq ans avec sursis (sources : https://blogs.mediapart.fr/edition/contes-de-la-folie-ordinaire/article/180915/autisme-bientraitance-et-maltraitance-en-2015-33 et https://www.liberation.fr/evenement/1996/02/22/sanction-de-principe-pour-la-mere-meurtriere-de-sa-fille-autiste-les-jures-de-la-cour-d-assises-de-l_164272).
Au Canada, le meurtre de Charles-Antoine Blais, un garçon de six ans tenu sous l’eau et noyé dans une baignoire par sa mère à Montréal en 1996, a reçu une importante couverture médiatique. Parents et responsables associatifs expliquent combien il est « dévastateur » d’avoir un enfant autiste, et combien ces enfants sont des « fardeaux ». Michelle Dawson relate l’organisation d’une manifestation de soutien à la mère filicide, ainsi que le discours de Carmen Lahaie, présidente de la société d’autisme de Montréal, affirmant que Charles-Antoine était « heureux maintenant » qu’il était mort. Au terme du procès, grâce au soutien associatif des parents, la meurtrière fut non-seulement acquittée, mais aussi… salariée par cette association ! (sources : https://autismcrisis.blogspot.com/2006/11/murder-of-charles-antoine-blais.html).
Récupérer ce meurtre pour taper sur la neurodiversité, réclamer l’extinction des personnes autistes, ou prétendre que cet enfant est plus heureux mort, ne sont pas des réactions dignes.
Je suis tout à fait d’accord avec vous et vous remercie de cet article